Exodes by Jean-Marc Ligny

Auteur:Jean-Marc Ligny [Ligny, Jean-Marc]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science-Fiction
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

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Car Pandora en a rêvé, de cette virée chez les outers – ou plutôt cauchemardé. Elle se voyait obligée de parcourir une sombre ruelle, dans un quartier glauque et méandreux, bordée de bars louches et jonchée de loques humaines croupissant dans les ordures, défoncées jusqu’à la moelle. Çà et là, de petits groupes à l’air fébrile ou aux tronches patibulaires négociaient ou complotaient en la reluquant de travers. Elle devinait des mouvements dans son dos, ces déchets humains se levaient pour la suivre, mais elle n’osait pas se retourner et réalisait – comme bien souvent dans les rêves – qu’elle était totalement incapable de courir. Tandis que les junkies l’encerclaient peu à peu, elle avait l’impression d’être tombée dans un nid de zombies…

La réalité est quelque peu différente.

Il n’y a pas de ruelles à proprement parler, mais des allées, des sentiers, des passages entre des agglomérats de tentes, bâches, huttes et cabanes de bric et de broc, tenant debout tant bien que mal, rafistolées après chaque tempête. Ça s’étend à perte de vue dans la vallée, des ruines et pans de murs en émergent par endroits, tels des rocs de béton dans une mer de détritus. Dans les ombres et creux de ce campement de (mauvaise) fortune, Pandora distingue des grappes de gens immobiles, occupés à elle ne sait quoi, peut-être à rien – rien d’autre qu’attendre une hypothétique réponse favorable du service d’immigration. Car tous ces outers sont là pour ça en principe, sauf ceux qui profitent de la situation pour mener leurs petits trafics – tel Ugo, l’ex-contact de Holger que Pandora doit rencontrer.

Elle a réussi à le joindre finalement, après bien des essais infructueux. La communication était lointaine, hachée, pleine de parasites et crachouillis – il devait être en limite de réception du réseau. Pandora s’est présentée comme une amie de Holger, actuellement indisponible, et lui a demandé s’ils pouvaient se rencontrer. Elle n’est pas entrée dans les détails, craignant d’être sur écoute, mais Ugo a compris. Il lui a fixé rendez-vous dans la première maison après le pont sur la rivière, au début de cet après-midi. Il ne pouvait pas donner d’heure plus précise, la route c’est la route, tu sais. Non, elle ne savait pas, mais elle a fait comme si. Elle espère qu’il sera vraiment là en début d’après-midi, car il faut absolument qu’elle soit rentrée pour le dîner, sinon ses parents vont se douter de quelque chose.

Prenant son courage à deux mains, elle avance vers le campement d’un pas lent, accablée par la chaleur. Pas une ombre alentour, pas un arbre en vue – comment font tous ces gens pour survivre dans cet enfer ? Très vite, un autre désagrément la prend à la gorge, lui retourne l’estomac : la puanteur. Atroce, abominable. Des remugles de merde, de pisse, de sueur, de crasse, de pourriture, de mort. Qui stagnent dans l’air vibrant, qu’aucun vent ne disperse. Qui s’intensifient à chaque pas, au point qu’elle doit se boucher le nez, ce qui rend sa respiration encore plus pénible.

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